REPORTAGE EN PROFONDEUR 3

JOURNALISME D’ENQUÊTE sur les lacunes des gouvernements, des industries, des autorités publiques ou des institutions

Le journalisme d’enquête est depuis toujours la pierre angulaire d’un bon journalisme, - et de la démocratie. Tenir les gens responsables de leurs actes, - que ce soit au niveau gouvernemental, institutionnel ou en entreprise, est une fonction essentielle des médias libres et indépendants, et sur laquelle repose la démocratie. C’est pour cela que dans notre monde de plus en plus complexe, nous disposons de lois sur l’accès à l’information (LAI), aussi imparfaites soient-elles parfois.

Les gens ou les institutions qui ont quelque chose à cacher, ou ceux qui n’aiment tout simplement pas se retrouver dans l'œil du public réussissent toujours à trouver des échappatoires pour bloquer les demandes d’informations des journalistes. Ils emploient souvent des spécialistes de la dissimulation, tout en leur donnant des titres qui suggèrent qu’ils sont plutôt là pour faciliter la circulation d’information. Les journalistes d’enquête sont tous familiers avec la lenteur avec laquelle les demandes en vertu de la loi sur l’accès à l’information sont traitées.

La première défense invoquée est généralement que la divulgation des informations demandées porterait atteinte à la vie privée, même lorsqu’il s’agit de données anonymes. Généralement, on invoque ensuite que la divulgation de ces informations ne serait pas d’intérêt public. Enfin, on va même parfois jusqu’à interdire l’accès à certaines informations par des journalistes simplement parce qu’ils risquent de les publier. 

Certaines institutions se sont par ailleurs dotées de «politiques internes» qui servent d’appui à une culture du silence par rapport au suicide. Dans au moins un cas de demande d’accès à l’information, on pouvait lire que En-Tête s’opposait à la divulgation de toute donnée sur le suicide à des journalistes, ce qui est évidemment entièrement faux. Dans cette même requête, on pouvait lire qu’aucune donnée ne devrait jamais être partagée avec les journalistes si il avait ne serait-ce qu’une chance que cela ne conduise à de la contagion suicidaire. Et ce même si des vies pourraient être sauvées, justement par l’utilisation adéquate de données anonymes, et ce dans l'intérêt public.

Le commissaire chargé d’entendre cette demande d’accès à l’information a rejeté cette interprétation, puisqu’elle équivaudrait à interdire le partage de toute information dont le public pourrait avoir besoin pour évaluer les actions prises par un organisme afin de tenter de prévenir les suicides. Au final, le commissaire n’avait toutefois pas le pouvoir d’obliger la divulgation des informations demandées.

Heureusement, de plus en plus d’organisations adoptent des politiques plus transparentes par rapport au suicide, reconnaissant que le silence sur cet enjeu ne sert à rien. Ce qui a pour effet de marginaliser les autres organisations qui elles tentent plutôt d’interdire l’accès à l’information sur ces questions. Par ailleurs, le travail engagé et réfléchi des journalistes travaillant sur l’enjeu du suicide ne peut que contribuer à faire taire ceux qui estiment que les médias sont irresponsables face à cette question.

En-Tête estime qu’il est temps pour les gouvernements qui se disent préoccupés par les problèmes de santé mentale et par le suicide de resserrer la législation concernant la liberté d’information. C’est un enjeu de vie ou de mort, qui devrait dépasser la partisannerie.

Un cas d’espèce a été présenté en 2019 à la conférence annuelle de l’ACPS par Rachel Ward, de CBC Calgary, lors d’une table ronde sur le sujet.

Si vous ressentez de la détresse, communiquez avec le centre d’aide le plus près de chez vous. En cas d’urgence, appelez le 911, ou rendez-vous à l’hopital de votre région.