Traitements

Chapitre 3

Si vous êtes journaliste et qu’il s’agit de votre première incursion dans le milieu de la santé mentale, vous risquez d’avoir besoin d’un guide!

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Il ne faudrait pas croire que tout le monde a le même point de vue en matière de santé mentale. C’est un monde complexe, où les débats d’idées et les positions parfois contradictoires sont légion.

Le journaliste néophyte risque d’y perdre son latin, ou pire encore, être manipulé par les partisans d’une doctrine en particulier.

Si vous aviez avec vous un guide-interprète, comme lors de reportages en pays étranger, il commencerait probablement par vous expliquer de manière assez simplifiée ce que les différents groupes en présence pensent du « modèle biomédical » de la maladie mentale - c'est-à-dire l'opinion selon laquelle les troubles mentaux découlent de troubles physiques et nécessitent donc des solutions médicales. Tout le monde n'est pas d'accord avec cette interprétation, loin de là!

Les psychiatres, qui sont des médecins, sont d’accord avec cette idée. Mais ils acceptent aussi la possibilité que d’autres facteurs soient en jeu, et certains sont plus disposés que d’autres à envisager des traitements alternatifs. Ils ne souscrivent d’ailleurs pas tous avec le même enthousiasme au DSM-5, la « bible » de la psychiatrie, un document auquel on reproche d'englober beaucoup trop d’aspects de la vie quotidienne dans ses diagnostics.

Les psychologues et les travailleurs sociaux abordent les choses à partir d’une perspective psychologique, sociale ou environnementale, ou les trois à la fois. L'importance qu’ils accordent au modèle biomédical varie beaucoup d’un professionnel à l’autre.

Viennent ensuite les organismes, officiels ou non, qui représentent le point de vue des personnes ayant une expérience personnelle de la maladie. Certains d’entre eux rejettent catégoriquement le modèle biomédical.

Par exemple, au sein du mouvement «des survivants de la psychiatrie», qui est souvent la proie de divisions internes, certains membres rejettent l'opinion dominante sur la maladie mentale, allant dans des cas extrêmes jusqu’à conseiller à des personnes souffrant de schizophrénie de se laisser guider par les voix dans leur tête. Malgré tout, psychiatres, psychologues et travailleurs sociaux vont parfois accepter et suggérer certaines techniques d’autosoin prônées par ce type d’associations de malades.

La neuroscience découvre, de son côté, de plus en plus de différences physiques dans les cerveaux de personnes ayant un problème de santé mentale, bien qu’on ignore encore l’origine de ces différences.

Les journalistes peuvent avoir du mal à s'y retrouver parmi toutes ces approches, eux qui, de par leur formation, sont habitués à simplifier pour être compris.

Le problème est que lorsqu’il est question de maladies physiques, les causes et les traitements possibles font pratiquement l’unanimité. Les troubles mentaux, quant à eux, ouvrent davantage la voie aux théories alternatives.

Et à moins de se lancer dans un marathon de lecture – ce qui n’est pas toujours possible pour les journalistes généralistes – il peut être utile de se laisser guider par des collègues spécialisés dans les questions de santé. Ces derniers savent faire preuve d’esprit critique à l’égard de la branche psychiatrique de la médecine, tout en reconnaissant ses avancées.

Par ailleurs, en matière de santé mentale, les journalistes ont avantage à se méfier des affirmations mettant l’accent sur une cause, ou un facteur contributif au détriment de toutes les autres.

Dans cette vidéo, vous pouvez entendre les points de vue divergents sur le sujet du neuropsychiatre Dr Anthony Feinstein et de Chris Summerville, président de la Société canadienne de schizophrénie.

TRAITEMENT ET CONSENTEMENT

Au-delà du débat pro et anti psychiatrie, les journalistes doivent être conscients d’un autre élément important : le consentement au traitement. 

L’héritage historique ici est pesant et amer. À une certaine époque, les patients chez qui l’on pressentait un trouble mental étaient pratiquement considérés comme en dehors de l’espèce humaine en matière de droits. Aujourd’hui, même si nous n'approuvons plus les expériences menées sur ces personnes, le débat sur le traitement forcé est loin d’être clos.

Cela concerne principalement les personnes souffrant de troubles tels que la schizophrénie, dont une des caractéristiques et qu’ils ne sont pas conscients d'être malade. La schizophrénie, comme plusieurs maladies, englobe un ensemble de pathologies allant des plus bénignes aux plus graves. Certains patients ont conscience de leur état. D’autres (y compris la petite minorité qui fait les manchettes) ont périodiquement si peu d'emprise sur la réalité que le Code criminel stipule qu’ils ne peuvent être tenus responsables de leurs actes. 

 

Les lois provinciales en matière de santé mentale régissent et encadrent les conditions dans lesquelles les médecins peuvent exiger que les patients soient traités contre leur gré. Des médecins s'irritent de certaines restrictions. Les défenseurs des droits de la personne en santé mentale exercent souvent des pressions dans l'autre sens. De plus, comme nous le verrons plus tard, l'indéniable succès des tribunaux spécialisés en santé mentale repose en grande partie sur une approche coercitive qui n'offre qu'un choix: le traitement ou la prison.

Dans la vidéo, Marvin Ross, journaliste spécialisé en santé, discute de ce problème avec Chris Summerville et le Dr Anthony Feinstein.

RÉTABLISSEMENT

La question du rétablissement des personnes atteintes d’une maladie mentale est souvent bien loin de ce qu’imagine le public. La grande majorité des patients, d’un bout à l’autre du spectre de la maladie mentale, se rétablissent, dans le sens clinique du terme. S’ils ont reçu un diagnostic précis et un traitement approprié, ils reviennent à leur état initial, d’avant l’apparition de la maladie. Certains se rétablissent autrement, dans le sens où tout en continuant le traitement, ils reprennent leur vie en main, parviennent à conserver un emploi et redeviennent des membres actifs de la société, une fois la maladie stabilisée et sous contrôle. C’est parfois même le cas de personnes atteintes de maladies mentales graves.

Malgré tout, les rares cas où se produisent des actes violents impliquant des personnes aux prises avec une maladie mentale démontrent qu’une grande partie de la société ne croit pas au rétablissement. Nous aborderons plus longuement les verdicts de non-responsabilité criminelle dans la section juridique qui suit. Pour l’instant, nous nous intéressons seulement au scepticisme de beaucoup de gens à l’égard de la capacité des personnes ayant une maladie mentale à reprendre leur place dans la société sans mettre en danger la sécurité de la population. Ces sceptiques croient que le traitement se résume à « prendre des pilules », avec pour corollaire que si une personne cesse de prendre ses médicaments, tout peut arriver. 

 

La réalité est loin d’être aussi simple, comme l’explique Chris Summerville.